À la veille des élections européennes de juin 2024, nous avons réalisé, avec ARTE et Le Grand Continent, “L’Europe dans l’œil du cyclone”, une série de six entretiens pour mieux cerner les grands défis auxquels le continent est confronté. Enregistrée en public à la Gaîté Lyrique et présentée par Nora Hamadi, cette collection d’entretiens donne à penser l’Europe de demain.
Réveil des États-puissances, retour de la guerre de haute intensité, en Ukraine et à Gaza, affirmation d’un « Sud global », campagne de Donald Trump aux États-Unis, enjeux climatiques, transition écologique et énergétique, disruption technologique, sentiment de déclassement, crise des valeurs (hospitalité, humanisme, égalité)… Tous ces défis mettent l’Europe à l’épreuve dans une période où elle traverse une polycrise : crise de sa place dans le monde, crise intérieure avec la montée des populismes, crise économique et sociale sur fond de croissance faible, d’inflation élevée et d’inégalités grandissantes.
Nora Hamadi aborde les enjeux démocratiques que pose l’intelligence artificielle avec Hugo Micheron, spécialiste du terrorisme djihadiste en Europe, questionne l’avenir de l’UE avec l’ex-ministre des Affaires étrangères espagnole Arancha González. Elle analyse le clivage créé par l’enjeu climatique avec le politologue Jean-Yves Dormagen, la défense européenne avec sa consœur Alexandra de Hoop Scheffer, l’affirmation du Sud global avec la chercheuse Aude Darnal, pour terminer sur un récit européen en panne avec la philosophe Lea Ypi. Ces interviews approfondies, complétées par des questions de l’assistance, éclairent aussi les enjeux liés au prochain scrutin.
L’IA menace-t-elle la démocratie ?
L’intelligence artificielle représente un défi majeur pour nos démocraties. Pour en parler, Nora Hamadi a convié Hugo Micheron, docteur en sciences politiques et spécialiste du djihad. À la portée de tous, l’intelligence artificielle offre une nouvelle arme aux terroristes qui se sont toujours emparés des technologies pour diffuser leur propagande.
Nora Hamadi interroge Hugo Micheron à la Gaîté Lyrique, en public. Il développe un programme consacré à l’intelligence artificielle et à la démocratie à Sciences Po. Son livre, La Colère et l’oubli (Gallimard, 2023), sur le djihadisme européen a reçu de nombreux prix.
L’Union européenne a-t-elle un avenir ?
À l’épreuve des polycrises, l’Union européenne va-t-elle renforcer son intégration ou va-t-elle se dissoudre ? Pour l’Europe, l’année 2024 sonne comme l’heure de vérité. Arancha González est économiste. Elle a été ministre des Affaires étrangères de l’Union européenne et de la coopération dans le gouvernement espagnol de Pedro Sánchez entre 2020 et 2021. Elle a occupé de nombreux postes de direction pour les Nations Unies et à la Commission européenne. Et elle est aujourd’hui la doyenne de l’École des affaires internationales de Sciences Po. Nora Hamadi l’a invitée à la Gaîté Lyrique, en public ; pour partager un peu de ses espoirs en ces temps minés par les crises.
Le climat, nouvelle ligne de fracture ?
Pendant longtemps, le réchauffement climatique n’a pas été l’objet de débat en Europe. Ce consensus a volé en éclats, avec la montée de discours climato-sceptiques opposés aux politiques de transition et de décarbonation. Le climat devient un clivage majeur, et pas seulement pour les forces populistes. Le 9 juin 2024, les Européens sont appelés aux urnes pour élire le nouveau Parlement. Pour la première fois, l’écologie s’impose comme un espace de fracture. Pour explorer ce changement de paradigme, Nora Hamad a invité Jean-Yves Dormagen à discuter, en public, à la Gaîté Lyrique.
Jean-Yves Dormagen est professeur de science politique à l’Université de Montpellier et président de Cluster17, un laboratoire d’étude de l’opinion qui s’est imposé comme une référence en Europe.
L’Europe peut-elle se défendre seule ?
La guerre en Ukraine a ébranlé la sécurité internationale et jeté une lumière crue sur la vulnérabilité européenne. L’Europe doit construire une nouvelle architecture de sécurité et redéfinir le partage des responsabilités avec les États-Unis. Le retour de la guerre sur le sol européen nous rappelle une réalité douloureuse, que l’Europe avait préféré oublier : sa défense dépend des Américains. Pour en parler, Nora Hamadi a invité Alexandra de Hoop Scheffer en public à la Gaîté Lyrique.
Alexandra de Hoop Scheffer est docteur en sciences politiques. Elle est vice -présidente senior pour les questions géostratégiques du think tank German Marshall Fund of The United States.
De quoi le Sud Global est-il le nom ?
Dans un monde qui se polarise plus que jamais, un nouvel espace s’affirme face à l’Occident. Un « Sud Global » aux contours mouvants constitués de puissances émergentes qui prônent un ordre mondial plus équitable. Longtemps “unipolaire”, quand les États-Unis étaient les gendarmes de la planète, le monde est devenu “multipolaire”. Un nouvel espace géopolitique a émergé : le “Sud Global”, une vaste zone aux contours fluctuants qui réunit des pays exclus de la gouvernance internationale.
Chercheuse et cheffe de projet au Stimson Center, un think tank américain, Aude Darnal dirige une plateforme dédiée aux perspectives géostratégiques des pays du Sud global.
L’Europe, un continent cassé ?
En reconnaissant que l’Ukraine, la Moldavie et la Géorgie avaient vocation à rejoindre l’Union européenne, les Vingt-Sept posent de nombreuses questions sur l’avenir de l’Europe, et notamment celle du récit, en panne, de la construction communautaire. Près de vingt ans après la chute du communisme, l’Albanie a déposé une demande d’adhésion à l’Union européenne. En 2014, soit cinq ans plus tard, l’Union a bien voulu lui accorder le statut de pays candidat. La première étape d’un long chemin… L’Albanie, c’est là que Lea Ypi est née. Philosophe et professeure de théorie politique à la London School of Economics, Lea Ypi a publié en 2021 Enfin libre, Grandir quand tout s’écroule, une réflexion sur la chute du bloc communiste qu’elle a vécu enfant. Elle raconte son point de vue albanais sur cette relation déséquilibrée entre les pays courtisans et l’Union courtisée.